lundi 25 février 2013

Bleu


Juillet 1998, je sillonne le Limousin en camping-car avec femme et enfants et lapin. Le 12, en fin de matinée, nous atterrissons à Peyrat-le-Château, sympathique village d'un millier d'âmes. Dans la rue principale, nous passons devant un petit bistrot qui arbore fièrement une affichette "Ce soir, retransmission de la finale de la coupe du monde de football entre la France et le Brésil". Le copilote occasionnel qui, accessoirement, s'avère être mon fils ainé (13 ans), me lance un clin d'œil complice. Pigé, fiston !

On trouve un chouette endroit pour garer la maison à roulettes, tout près d'un lac avec des canards. On déballe le pique-nique et on s'étend sur l'herbe. Le soleil brille, les oiseaux chantent... les grenouilles aussi. Les enfants barbotent... les grenouilles aussi.

Vers 19h00, les négociations démarrent :

— Ma chérie, je crois que les enfants ont très envie de voir le match ce soir !
— Oh, oui, m'man, on zzz'avons très zzz'envie de voir le matsss ce soir !
     Ça, c'est le petit (11 ans).
— Mais, les enfants, vous savez bien que nous n'avons pas la télé dans le camping-car.
— Maman a raison, les enfants, nous ne pourrons pas voir le match ce soir. Zut alors !
— À  moins  que  papa  ne  vous  amène  dans  le  bistrot  devant  lequel  nous  sommes  passés
     ce  matin !
— Heum ! De quel bistrot veux-tu parler, ma chérie ?
— Ben, moi zzz'ai pas vu le bissstrot, moi !
— Tu sais bien, mon chéri, le bistrot devant lequel Seb. t'a fait un clin d'œil.
— Bôôô, l'autre... j'ai même pôô fait d'clin d'œil !
— Mais, il m'a pas fait de clin d'œil !!!
— Encore faudrait-il que vous ayez un casse-croûte pour partir.
— Ben, moi zzz'veux un casse-croûte au zzzambon, moi !

Opération rondement menée.

À 20h00, tous les mâles de la tribu (sauf le lapin) font route vers le bistrot béni. L'endroit, prévu pour abriter une vingtaine d'individus, en temps normal, doit bien en contenir le triple pour cette soirée de gala. Des tabourets nous parviennent comme par magie. Grenadine pour tous les mâles de la tribu (sauf moi : un demi !). Passant de main en main, au dessus des têtes, nos consommations arrivent. Au dessus des têtes, de main en main, mon billet de 50 Francs s'envole vers la caisse. 

L'ambiance est bon enfant. Nous sommes grimés aux couleurs de notre équipe. Les pronostics vont bon train. Ça se chicore gentiment.

— On peut pas perdre, on a Zizou, vindiou !
— Ouaih, mais ils ont Ronaldo, tudiou !
— Penses-tu, l'ai cuit le Ronaldo ! Vaut mieux se méfier de Bebeto. Qui c'est qui le prend lui ?
     Liza ? Il va le bouffer fastoche !
— Et Leonardo, c'est du mou pour le chat ?
— Thutu est en pleine bourre, il va l'atomiser !
— Y'a aussi Roberto Carlos, il est capable de nous coller une praline des 40 mètres.
— Et qu'est-ce tu crois qu'il a sur ses gants, Barthez : du saindoux ???

21 heures pétantes, l'arbitre lâche les fauves. Onze bleus et onze jaunes. Je ne vais pas vous refaire le match, toujours est-il que les Français prennent crânement d'assaut le camp brésilien et qu'en bon chef de meute, Zidane crucifie par deux fois le gardien adverse. Deux buts qui font l'effet de deux bombes atomiques dans le bistrot. Ça crie, ça vocifère, ça s'époumoner, ça commande de nouvelles tournées !!!

La mi-temps arrive avec son nouveau ballet de verres et de billets manuellement aéro-transportés. Désormais, l'ambiance parait plus sereine, les langues se délient : « Tu viens d'où, toi ? De Brest ? Boudiou, vous z'avez pas la télé, chez les pingouins ??? Huguette, mets donc une tournée aux p'tits Bretons ». Les enfants entament même un "On va gagner, on va gagner !" plein d'optimisme, repris par un chœur dissonant mais joyeux.

Pour la seconde mi-temps, les Brésiliens se sont refait une santé et une agressivité nouvelle. Les Bleus manquent de se faire écharper dix fois. Dix fois ils résistent. Et quand Manu Petit plante une ultime banderille à la dernière minute du match, ce n'est pas le bistrot qui explose, mais tout Peyrat-le-Château et tout le Limousin et toute la France aussi.

De partout des gens affluent. La rue est prise d'assaut par une foule bigarrée et bruyante. Des pétards éclatent, de nouvelles tournées sont commandées. On chante, on s'embrasse, on se tape dans le dos. D'autres nouvelles tournées sont commandées !!! Des rondes sont improvisées mêlant jeunes, vieux, femmes, hommes, de toutes les couleurs, de toutes les conditions.

Ce soir-là, la France était black-blanc-beur... et bleue !!!

>>>>> PLUS BLEU QUE LE BLEU DE TES YEUX

01 - Alela Diane - Age Old Blue
02 - Alice Cooper - Blue Turk
03 - Amos Lee - Clear Blue Eyes (feat. Lucinda Williams)
04 - Bob Dylan - It's All Over Now, Baby Blue
05 - David Bowie - Silly Boy Blue
06 - Eddie Cochran - Am I Blue ?
07 - Françoise Hardy - L'heure bleue
08 - Eldorado - Blue Jay Wings
09 - Frantic Flintstones - Blue Moon of Kentucky
10 - Janis Joplin - Little Girl Blue
11 - Josh Kelley - Baby Blue Eyes
12 - Kate Bush - Symphony in Blue
13 - Liane Foly - Blue Notes
14 - Michael Franks - Samba Blue
15 - Seasick Steve - Underneath a Blue and Cloudless Sky
16 - Suzanne Vega - Small Blue Thing
17 - The Rolling Stones - Blue Turns to Grey
18 - U2 - Bullet the Blue Sky

7 commentaires:

  1. Il y a trois ou quatre noms qui me font frémir, mais je vais y aller... en attendant ta compile spéciale foot!

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  2. Ton récit m'a bien fait marrer et ce système aéro-porté de levée de fonds me parait des plus sûr !

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    1. Sûrement aussi sûr qu'un transport de fonds dans le 9.3 !!!

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  3. Euh.... moi j'étais allé voir un film de Bunuel pendant ce temps là. Peinard, je vous dis pas !
    Ou l'on apprend qu'au tournant des années 90, le grand Keith abandonne sa vie de routard pour adopter femme et enfants (et lapin). Un deuxième feuilleton bien intéressant aussi !

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  4. C'était donc toi : LE spectateur français ce soir-là !!!

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  5. Salut Keith, le This Is Joe est prêt. Je te l'envoie où ? mp - jpdevin chez gmail point com

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